La vraie nature ou "les spécificités méritoires" de l'E.S.S.
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La vraie nature ou "les spécificités méritoires" de l'E.S.S.
Une histoire déjà longue et une identité ancrée dans des valeurs et des principes immuables et universels
L'expression "économie sociale" remonte à deux siècles, mais les formes d'organisation, d'activités humaines qui prétendent concilier l'économique et le social n'ont pas cessé de se développer et de se diversifier depuis le début du 19ème siècle
Les premières formes d'économie sociale remontent vers les années 1830 et 1840, en Angleterre et en France. Cette invention du 19ème siècle naît du mouvement ouvrier en réaction contre le capitalisme industriel, non régulé, non réglementé, générateur de conditions misérables dans la classe ouvrière. Les créateurs des premières formes coopératives et mutualistes voulaient permettre aux ouvriers d'accéder à des biens de consommation de première nécessité : lait, farine, pain. Des associations populaires, ancêtres des SCOPS (société coopérative ouvrière de production) rassemblaient des métiers qualifiés qui, à travers le compagnonnage, interdit par la loi Le Chapelier, pratiquaient autrefois un travail réglementé. Les premières associations ouvrières se créent d'abord à Paris autour des anciens "Compagnons" (c'est-à-dire des métiers très qualifiés du bâtiment, de l'horlogerie, bijouterie, du livre, etc.), puis dans l'ouest de la France, unissant les boulangeries et les meuneries, afin de proposer un pain de qualité à un meilleur prix. Apparaissent aussi les premières coopératives de crédit et les sociétés de secours mutuel, répondant à des besoins de solidarité élémentaire, comme enterrer ses proches et accéder aux soins basiques.
Ces premières initiatives du mouvement ouvrier seront regroupées sous l'appellation "d'associationnisme ouvrier" par les historiens de l'époque. En fait, la coopération est bien "la fille de la nécessité" comme l'a si bien exprimé à sa manière un Jean-Pierre Beluze, disciple de Cabet qui fondera même un parti politique coopérativiste en 1868. Dans un appel aux démocrates, il déclare : "Qu'est-ce que le système coopératif ? C'est l'alliance du principe libéral avec le principe de solidarité. C'est l'initiative individuelle renforcée par la puissance de la collectivité. Les travailleurs repoussent l'intervention de l'Etat. A vrai dire, ils ne veulent d'aucun patronage, ils veulent améliorer eux-mêmes, par leurs propres efforts, leur situation. Mais se sentant faibles dans leur isolement, ils se groupent, ils s'associent pour le crédit, la consommation, la production et l'assistance mutuelle. Ils ne demandent au pouvoir politique qu'une seule chose, la suppression des entraves qui les gênent, rien de plus, rien de moins". Il fait, ici, allusion à l'entrave aux initiatives solidaires, sanctionnées d'emprisonnement pour délit de coalition en application logique de la loi Le Chapelier, jusqu'en 1864.
Le mouvement d'origine ouvrière va rebondir en France, dans le milieu agricole qui se trouve en concurrence avec les produits importés des "pays neufs" (Russie, Etats-Unis, Argentine) à la fin du XIXème siècle. Mais au contraire des ouvriers, les paysans vont se regrouper avec l'appui des pouvoirs publics, notamment le ministre Méline qui va aider à créer les premières coopératives de crédit et d'agriculteurs.
On entre alors, à la fin du XIXème siècle, dans une phase de reconnaissance et d'institutionnalisation (par les lois, dont la loi de 1901 sur les associations et la codification) des premières formes d'organisation de l'économie sociale, c'est-à-dire des formes coopératives mutualistes et associatives, qui va se poursuivre en France, en Europe et dans le monde jusqu'à nos jours.