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Les spécificités des publics-cibles

Les spécificités des publics-cibles


Le public cible du décret est composé de toute personne en situation d’exclusion, c’est-à-dire toute personne majeure ou susceptible d’être confrontée à la difficulté de mener une vie conforme à la dignité humaine et d’exercer les droits reconnus à l’article 23 de la Constitution et, pour les services d’insertion sociale, qui n’est pas à même de s’inscrire dans une filière d’insertion socioprofessionnelle. Il s’agit donc d’une délimitation par défaut.

En pratique, toute personne aidée par le CPAS est susceptible d’être concernée, à savoir :
-    le public de l’aide sociale générale qui est d’ailleurs le public-cible du projet ;
-    les personnes en formation, tels que les stagiaires des EFT (Entreprises de Formation par le Travail), les stagiaires dans les a.s.b.l., les stagiaires en formation de Promotion sociale ;
-    les personnes en stage avant un article 60 ou un article 61 si l’accompagnement social ou de type éducatif se justifie ;
-    les personnes en contrat de travail étant donné que souvent la situation sociale, la confiance en soi, la mobilité sociale, etc. ne changent pas du simple fait de travailler.

L’analyse de la radioscopie  des services d’insertion des CPAS révèle, premièrement, que un tiers seulement des répondants utilisent un outil pour évaluer les compétences des bénéficiaires, préalablement à toute forme d’insertion socioprofessionnelle, et, deuxièmement que leur personnel estime la partie de leur public non insérable à court terme à 42 % en 2002. Dès lors, cette évaluation est subjective et repose sur les représentations. Celles-ci sont en lien avec des facteurs  dépendant des usagers eux-mêmes, comme la situation familiale, l’état de santé, les addictions, les limites linguistiques, la mauvaise volonté ou la démotivation, l’absence de valeur accordée au travail,…

D’or et déjà, on retiendra que les obstacles à l’accession au marché du travail ou à une formation touchent des domaines multiples et parfois très éloignés les uns des autres. On remarquera que le recours systématique à des outils standardisés pour évaluer les compétences psychosociales n’est pas la règle alors que d’un autre côté le parcours individualisé d’insertion sociale cherche à remédier aux points faibles de la personne et à s’appuyer sur ces forces.

L’absence de critères objectifs pour poser ce constat nous interroge. En effet, d’une part, c’est courir le risque d’une trop grande disparité entre les acteurs sociaux (les réponses à la question varient de 3 à 100% ) et ce d’autant plus que les variables de contexte comme le revenu par habitant, le taux de chômage, la taille de la commune, ne jouent pas. Toutefois, il a été observé que l’investissement en formation augmente à la fois lorsque l’environnement économique est perçu comme facilitant et lorsqu’il est perçu comme très difficile. Il faut donc s’interroger sur la politique poursuivie. Est-on dans une démarche globale de compensation et/ou d’exploitation du potentiel d’une région ou menons-nous une véritable stratégie d’insertion sociale ?

D’autre part, opérer sans une grille d’évaluation, c’est travailler sans repères que ce soit pour constituer des groupes de (re)socialisation ou pour mesurer les effets d’une participation à de tels groupes. Il s’agit de réfléchir convenablement à ce qu’on fait, pour qui on le fait, comment on le fait et de se doter des moyens nécessaires pour fixer les objectifs spécifiques à atteindre lors de chaque module éducatif et pour quantifier les résultats en terme d’insérabilité et de mieux-être et, à partir de là, pour mesurer la pertinence de l’action menée. L’imbrication des problématiques rencontrées obligent à intégrer cette complexité à toutes les étapes de nos interventions, à se questionner sans cesse sur les aspects éthiques et les concepts que recouvrent les modalités de mise en œuvre du projet.

D’emblée, ces questions se révèlent primordiales. Il est évident que les besoins des nouveaux arrivants, tels que les russophones, sont fondamentalement différents de ceux des belges de souche bénéficiaires de l’aide sociale. De fait, les premiers sont principalement issus des classes sociales aisées, beaucoup faisant partie des intellectuels de l’ex Union soviétique, tandis que les derniers manquent souvent des plus élémentaires notions de savoir-vivre. Nombreux sont les russophones qui montrent des capacités d’adaptation peu communes, animés d’un véritable désir de réussir leur nouvelle vie alors qu’au sein de la population pauvre autochtone, l’espoir d’une vie meilleure est un vague souvenir, un rêve lointain, voire inaccessible.

Ce bref aperçu des caractéristiques respectives des immigrants russophones et des belges en situation précaire permet de comprendre qu’il est techniquement irréalisable de concevoir des modules éducatifs identiques et adéquats pour ces deux catégories de population sauf à tomber dans le registre occupationnel mais pour cela non plus, les russophones n’ont aucune lacune. La plupart d’entre eux ont sillonné la Belgique, visité ses villes et acquis une culture générale remarquable. Les services proposés par le CPAS ne retiennent leur attention que parce qu’ils sont financièrement abordables ou gratuits. Leur participation aux activités est surtout opportuniste, ce qui est compréhensible. Il en est de même pour l’autre tranche de la population mais qui, par contre, n’est pas toujours capable de saisir ces occasions, à moins d’être vivement sollicitée, voire encadrée et accompagnée.

En conséquence, nous tenons à souligner qu’élaborer une animation sans connaître à l’avance le type de public à qui elle s’adresse est équivalent à jouer au poker ou à la bataille navale avec le risque de tirer dans le vide. A force de vouloir toucher tout le monde, nous ne toucherons personne. Satisfaire à la fois les adultes et au sein de ceux-ci tenir compte des spécificités de chaque sous-groupe pour ne vexer personne et essayer d’apporter quelque chose à tous, mais aussi les enfants pendant les périodes de congés scolaires et ce quelque soit leur âge, répondre aux attentes des parents sans ennuyer les célibataires ou sans leur renvoyer en image leur solitude, etc. et donc les respecter tous dans leur singularité conduit à multiplier les contraintes si bien que le fond du travail en devient insignifiant et la forme bancale.

Par exemple, les animations se déroulant pendant les vacances scolaires devaient compter avec la présence des enfants. Ainsi, le manque de personnel pour encadrer ceux-ci lors de l’animation « contes de fée » n’a pas permis que certains points importants sur le plan éducatif soient travaillés avec les adultes. En effet, aborder l’aspect symbolique des histoires comme la personnification du bien et du mal, l’issue toujours heureuse des contes, etc. aurait endommagé leur pouvoir en abîmant leur nature enchanteresse.

De plus, l’hétérogénéité inter-groupale avec les tensions et les heurts qu’elle provoque, malgré son message implicite sur l’interculturalité, peut être pour certains plus dommageable que bienfaitrice, notamment sur le plan narcissique. Je pense plus particulièrement à un quinquagénaire dont la spontanéité et la gentillesse n’ont pas suffi à désarmer les regards méprisants d’une jeune femme russophone, qui lui renvoyait en miroir une image négative. Même si l’allure de cet homme mérite plus de soins, nous ne pouvons pas apporter notre caution à ce type de pédagogie. Il y a lieu de réserver les mélanges des genres pour des séances plus de loisirs au cours desquelles les personnes ont plus de latitude pour se soustraire à ces expériences nuisibles sur l’image de soi. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de ces impacts d’autant plus qu’il est patent qu’au sein du public CPAS, l’image de soi est trop souvent extrêmement déficiente.

Une autre condition majeure, dans une perspective de moyen terme ou de long terme, est la continuité des rencontres. Il est patent que les personnes en situation de précarité disent avoir beaucoup d’amis mais, en cas de coup dur, elles n’ont quiconque sur qui compter vraiment. Les relations qui se forment entre les personnes du groupe, en plus d’améliorer la cohésion de celui-ci, remplissent une fonction d’étayage si bien que le groupe constitue un élément de résilience. Cette dimension doit être privilégiée dans la mesure où elle est un des facteurs du changement, de la capacité à rebondir face aux difficultés de la vie.

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