Les ressources internes et externes
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Les ressources internes et externes
Suite à l’arrêté royal du 8 avril 2003, paru au Moniteur le 22 avril 2003 et portant sur l’octroi de subvention pour un an, sur base duquel les activités (d’insertion sociale) pouvaient être financées entre le 1er mai 2003 et le 30 avril 2004. Cette subvention a été versée en deux tranches dont la deuxième devait être demandée au plus tard le 1er novembre 2003. Pour saisir cette opportunité de pouvoir concrétiser un projet en germe qui lui tient à cœur, le CPAS a désiré quelques assises pour concevoir et réaliser des animations à destination de son public. Une collaboration étroite avec l’UMH a été initiée et se poursuit encore actuellement.
Nous tenons à souligner, tout d’abord, que, dans ce contexte d’urgence, les collaborateurs de l’UMH se sont surtout attachés à répondre adéquatement à la demande du CPAS, à savoir réfléchir ensemble aux sujets les plus opportuns à aborder, et un panel de thèmes déclinés à partir des trois axes éducatifs ont été proposés. Le temps a manqué pour examiner au préalable et en profondeur tous les aspects de la mise en œuvre d’un tel projet, tels que le mode de recrutement des personnes, l’évaluation des résultats, etc. Ce travail préparatoire, cette réflexion méthodologique sont pourtant indispensables et, comme nous le verrons (infra), il est utopique de croire que l’on peut en faire l’économie.
Le CPAS conscient du répondant aléatoire du public-cible a marqué sa volonté de démarrer au rythme d’une séance par semaine, quitte à passer à une cadence plus élevée par la suite. Dans les faits, ceci s’est avéré impossible pour plusieurs raisons, à commencer par celles d’ordre matériel. Par exemple, la question du local fut loin d’être vite réglée. Une salle conviviale, libre une fois par semaine a été réservée à Hyon, où le CPAS de Mons a une antenne, mais non disponible dans l’immédiat, une solution transitoire a dû être trouvée avec toute la paperasserie administrative que cela implique, comme l’assurance en responsabilité civile, les demandes d’autorisations qui doivent suivre la voie hiérarchique, etc.
Au passage, notons qu’il est très regrettable que le SIP (Service d’Insertion Professionnel) du CPAS de Mons ne dispose pas d’une salle de réunion assez grande, ce qui aurait évité maints problèmes, tel que le transport des personnes jusqu’au lieu de rendez-vous mais aurait également son utilité pour le personnel du service (20 personnes au 1er janvier 2004). Les cours de remédiation en français et en mathématique se font dans une pièce ne pouvant pas accueillir plus d’une dizaine de personnes. De plus, la proximité et l’accessibilité amélioreraient la souplesse de l’offre de services. Songeons aussi aux aspects plus accessoires, à première vue, mais qui sont les ingrédients nécessaires d’une rencontre chaleureuse. Investir un lieu passe par sa décoration, par un aménagement de l’espace, par son équipement, etc. Le coût d’un percolateur est insignifiant comparativement à l’agrément qu’il procure mais le transbahuter à chaque fois est pénible.
Par ailleurs, il serait préférable que la salle ne soit pas aussi excentrée mais qu’elle soit localisée au cœur de la cité montoise, ce qui améliorait le sentiment d’appartenance à la communauté et l’intégration des personnes dans la vie citoyenne. Et pourquoi pas, on pourrait même imaginer la création d’une maison de la convivialité où diverses animations pourraient se dérouler mais aussi qui pourrait être un point de départ pour des activités en extérieur, la faisant ainsi découvrir aux bénéficiaires. Un lieu de vie ouvert comblerait un vide dans le dispositif d’insertion psychosociale et culturelle. L’expérience de vingt-cinq années du CPAS de Soignies doit figurée parmi les bonnes pratiques et servir d’exemple.
Certes, des projets de ce type, de plus petite envergure, existent déjà dans certains quartiers, à l’initiative du Service de prévention de la ville et avec la mobilisation des assistantes sociales de l’aide générale du CPAS, comme par exemple les ateliers de cuisine, de couture, etc. Ils visent à rompre l’isolement des personnes et, au-delà de l’occupationnel, poursuivent des buts éducatifs. Leur utilité est indéniable et leur succès mérite notre attention. En effet, axés sur le plaisir, ils sont attrayants et dynamisent les personnes. Cette logique de bien-être est pleinement compatible avec nos objectifs à l’égard de la population-cible. Ces petites structures, proches de l’esprit de famille, offrent une transition entre l’immobilisme et la vie professionnelle. Elles sont des leviers à condition de disposer des outils et des professionnels pour identifier et valoriser les compétences, pour accentuer les potentialités en germe, pour que s’articulent l’histoire et un projet de vie, pour que les rêves lucides ne s’éteignent plus faute d’avoir reçu un écho.
Un autre facteur de complication et de ralentissement de l’expansion des actions est inhérent à l’Institution et aux systèmes de contrôle visant à éviter les dérives mais rendant le processus décisionnel lourd et lent, toute demande un peu « extraordinaire » devant passer par le BP ( ?), y compris pour des choses simples. Or ce bureau ne se réunit qu’une ou deux fois par mois si bien que tout projet doit être planifié dans ses moindres détails longtemps à l’avance. On se prive ainsi d’occasions à saisir sur le moment. Une personne extérieure, invitée à collaborer au titre de conteuse, a renoncé, déçue parce que, sans les documents attestant de la nature bénévole de son intervention, elle aurait pris des risques au regard de sa situation de chômage. N’est-ce pas paradoxal alors même que l’on travaille à moins d’exclusion ?
Cet exemple invite à se pencher sur les rouages de la machine qui apparaît quelque peu comme un dinosaure au vu des besoins de la société d’aujourd’hui et plus encore de ses exclus. Les procédures inhérentes aux organisations pyramidales sont trop coûteuses en temps et en énergie et surtout trop longues à s’ajuster, et trop souvent en décalage face aux mutations rapides de l’environnement. L’ère de la modernité a des avantages qu’il faut savoir intégrer afin qu’ils profitent aussi aux plus humbles. Il est difficile d’accepter qu’un souffle neuf balayent les habitudes ancestrales, de ne pas rester agripper à ses petits fiefs de pouvoir éphémère, pour se tourner généreusement vers les autres et redéfinir d’autres repères identitaires. Modifier la dénomination de la bête ne suffit pas ; autrefois Centre d’Aide Sociale, maintenant Centre d’Action Sociale. C’est malgré tout un premier pas qui atteste de la prise de conscience, de la compréhension qu’aujourd’hui pour aider vraiment il faut agir. Il s’agit d’opérer une véritable restructuration et de revoir complètement la distribution des tâches en fonction des objectifs poursuivis, sans quoi on aura beau huiler les engrenages et alimenter l’engin, il n’avancera pas plus vite.
Le dilemme, et même la contradiction des missions confiées aux acteurs de terrain est un autre des effets pervers de cette oligarchie. Par définition, l’assistant(e) social(e) a pour vocation d’assister les personnes dans tous les aspects de leurs liens avec la société. Or, sous couvert du prétexte légitime de traquer les fraudeurs, il leur a été imposé d’effectuer des tâches relevant de l’inspection telles que le recueil de documents administratifs, vérifier que le domicile déclaré n’est pas fictif, etc. et qui grèvent leur temps et leur énergie mais qui aussi abîment la relation de confiance au point que leur rôle s’effrite. Au fil des années, leur fonction s’est vue dégradée si bien que, sans plus réellement les moyens d’agir, se sentant de plus en plus démuni(e) devant la misère sociale, la démotivation à exercer ce métier et plus loin le burn out sont une des conséquences de cette systématisation des contrôles. De ce côté, le taux d’absentéisme, les départs volontaires, le turn over sont des indicateurs des dommages. Par contre, du côté des plus démunis, les répercussions s’impriment en négatif de ce qui aurait pu se faire mais… Les dégâts sont inchiffrables, sans compter la difficulté qu’il y aura à corriger les représentations d’un métier entaché de connotations répressives.
Au niveau plus spécifique du projet pilote présenté ici, les effets de cette confusion des rôles furent manifestes à plus d’un titre. D’emblée même la nécessité de rectifier le tir s’est imposée puisque l’idée de départ du SIP (Service d’Insertion Professionnel) du CPAS de Mons était de créer ou de recréer des liens avec les personnes et d’améliorer le contact et les conditions afin de pouvoir repérer les compétences sociales et, par la suite, élaborer des projets avec les bénéficiaires. Le budget accordé par le gouvernement fédéral, dans le cadre de l’arrêté voté sous le ministre Johan Vande Lanotte, soutient certes la participation à la vie sociale et son ambition ne va pas plus loin mais le SIP a perçu là la possibilité et le contexte pour découvrir réellement son public. C’est dire que la relation duelle agent d’insertion/bénéficiaire est peu propice à l’expression, sans doute du fait des caractéristiques des personnes peu à l’aise dans un cadre formel mais également que la confiance perdue doit être regagnée.
Concevoir des activités qu’elles soient de loisirs ou éducatives est une chose et faire leur promotion en est une autre. La diffusion de l’information fait partie intégrante du projet. Sachant le faible impact qu’aurait eu l’envoi d’un courrier ou tout autre mode impersonnel, le SIP comptait sur les assistants sociaux de première ligne pour relayer, de façon motivante, l’invitation. Malgré des réunions de sensibilisation, animées par le coordinateur, la mobilisation des intervenants sociaux de l’aide générale a été quasiment inexistante. Comment comprendre cette réserve, voire même leurs comportements réfractaires (infra) alors que, pour une fois, le message à transmettre était foncièrement positif si ce n’est avec l’éclairage des considérations précédentes. En effet, tisser un partenariat exigeait d’entendre leurs revendications et de reconnaître leur expertise quant aux réalités du terrain. Pour éviter les conflits de pouvoir, les réactions mesquines, il aurait fallu les impliquer dès le début et non leur présenter des projets tout ficelés.
De la même manière, l’analyse montre que la forme de coalition entre les participants et les assistantes sociales, observée lors de l’écueil d’une des animations(infra) témoigne d’une phénomène d’identification des agents avec les plus démunis, ce qui se traduit par une position défensive et protectrice. Amplifiant leurs réticences, le dérapage lors de la séance a révélé l’importance du manque de cohésion et de solidarité entre les services appartenant pourtant à la même institution. Quoi qu’il en soit, du point de vue de l’éthique, aucune explication n’excuse cette rétention de l’information qui in fine nuit aux plus pauvres, les privant de moments de détente. Cette désolidarisation est de nature à faire obstacle à long terme à la participation des personnes aux actions du SIP dont l’objectif est quand-même de faciliter leur inscription dans les circuits d’insertion socioprofessionnelle et par là de rompre avec le schème de l’assistanat. Il est de notre devoir de ne pas passer sous silence ces questions afin que tout soit mis en œuvre pour obtenir la coopération de tous à une société plus juste.