Les contraintes en terme de pédagogie
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Les contraintes en terme de pédagogie
Les actions d’éducation préventives dans le domaine de la santé, de l’épanouissement et même de l’interculturalité à destination des populations défavorisées se heurtent à divers obstacles. Un de ceux-ci est la difficulté majeure des personnes à se projeter dans le futur et à imaginer le bénéfice qu’elles pourraient retirer des changements prescrits. Elles adhèrent péniblement à des conseils dont elles ne perçoivent pas l’utilité ici et maintenant. Il est aussi périlleux d’obtenir une modification de comportement quand celui-ci fait partie du sentiment d’appartenance à la culture d’une communauté et est constitutif de son identité.
L’intervention éducative doit pouvoir opérer à plusieurs niveaux et atteindre au fur et à mesure des strates plus intimes du fonctionnement psychique :
- la compréhension du fonctionnement des différents services d’aide, de formation, de soins pour qu’elles deviennent réellement accessibles ;
- l’identification et la rectification des représentations erronées ;
- le développement des habiletés indispensables ;
- l’acquisition des attitudes appropriées et la suppression des conduites dommageables, qui renforcent les vulnérabilités ;
- la reconstruction des capacités à être sujet.
Travailler en profondeur nécessite du temps mais aussi de ne pas attaquer de front les mécanismes de défense des personnes, ce qui n’aurait pour résultat que de renforcer un peu plus leurs mécanismes de défense. Il faut pouvoir contourner les freins qu’ils soient d’ordre culturel, social ou psychologique. La démarche participative est la seule, d’une part, à garantir l’adéquation des contenus aux besoins et aux motivations, grâce à la flexibilité de l’animateur et que le dispositif rend possible, et, d’autre part, à favoriser l’adhésion à l’information apportée. De plus, ce type de pédagogie utilise des techniques de revalorisation du rôle social qui se situent à l’opposé de la configuration classique maître/élèves qui détermine la nature de la relation. Il s’agit non pas que les personnes ingurgitent un savoir auquel elles sont hermétiques mais bien plutôt de poser le cadre pour qu’un lien de coopération active s’établisse et que les savoirs soient échangés. L’animateur se positionne comme un catalyseur mais aussi en tant que détenant un certain savoir afin que les personnes expriment leurs attentes et les clarifient, qu’elles posent leurs questions et que les réponses arrivent si possible du groupe.
Concrètement, une animation didactique doit présenter de nombreuses caractéristiques et notamment les suivantes :
- permettre à chacun de se sentir à l’aise, accueilli ;
- se dérouler en groupe restreint, quitte à dédoubler les animations, afin que la personne ne se sente pas noyée au milieu des autres, qu’un temps, un regard, une parole puissent être accordés à chacune et qu’elle se sente exister ;
- comprendre un nombre minimum de francophones dont l’aisance en français fait qu’ils sont plus spontanés que les étrangers, ce qui crée une dynamique intéressante ;
- poser les bases d’une relation de confiance comme par exemple préciser que l’animateur n’est absolument pas là en tant qu’instance de contrôle du commanditaire ;
- favoriser l’expression de tous de façon à apprendre, dans le plaisir de « se dire », à écouter soi-même ses propres besoins et à mieux se connaître ;
- veiller au respect de l’acte de parole et des émotions de chacun pour que le sentiment d’être entendu et accepté incite à s’impliquer davantage ;
- faire verbaliser les émotions afin d’aider la personne à les reconnaître et ensuite, à mieux les gérer ;
- faire émerger les connaissances de manière à valoriser les personnes et qu’elles se rendent compte des ressources qu’elles possèdent et en faire bénéficier les autres ;
- adapter les objectifs pédagogiques en fonction de la dynamique du groupe ;
- etc.
Quant aux supports, tels que les documents vidéos, on sera attentif à leur portée et impact sur le public-cible. Régulièrement, ils ont été proposés en seconde partie de séance après une sensibilisation au thème. Les documentaires ou reportages trop sérieux ou trop compliqués risquent d’ennuyer et de manquer leur but tandis que certaines thématiques pourraient heurter les sensibilités. Il faut noter que les films humoristiques véhiculent parfois plus efficacement le message. L’humour permet de se distancier d’une situation et aiguise l’esprit critique. De plus, rire permet de se sentir vivant et rire ensemble confère inéluctablement un sentiment d’appartenance groupale. On sera vigilant à la qualité du document et aussi à la bande sonore, qu’on préférera en français. De même, pour les documents écrits, les textes devront être courts et le vocabulaire compris d’un grand nombre.
Suite à la visualisation du film « Némo » de Walt Disney, riche de messages divers quant à la construction d’un avenir meilleur, que ce soit à une échelle individuelle, familiale, groupale ou planétaire, qui auraient mérité d’être redoublés et ancrés un peu plus par des échanges juste après la projection, lors d’un goûter, par exemple, dans un lieu convivial, il nous est apparu que ces vecteurs devraient être exploités plus avant. A titre d’illustration, ce film, qui convient parfaitement aux enfants mais aussi aux parents qui les accompagnent, est de nature à susciter :
- la curiosité à l’égard du monde marin et par déplacement l’envie de découvrir le monde en général (Némo est avide de connaissances)
- la sensibilité envers la beauté de la nature et à sa préservation (le monde est coloré et s’assombrit à l’approche de la grande ville)
- l’acceptation de la diversité présentée comme un enrichissement, une complémentarité potentielle (entre les espèces)
- le changement de regard envers le handicap ou la différence (son atrophie de l’aileron ne l’empêche pas d’évoluer comme les autres)
- le dépassement des préjugés et stéréotypes par l’appel à un regard neutre, à une image de l’autre qui ne le condamne pas a priori (les requins ont décidé de ne plus manger de poissons)
- le respect envers les figures parentales par la prise de conscience du fait que les « non », l’exercice de l’autorité visent à protéger les enfants (la désobéissance peut avoir des conséquences dramatiques)
- la compréhension réciproque enfant/parent (l’envie d’exploration de Némo s’oppose à la peur du danger chez son père)
- la sensibilisation aux liens entre événements passés et inhibitions actuelles, soit à la dimension psychique (le père de Némo redoute pour son fils ce qui est arrivé à sa mère)
- l’éveil du rêve, de l’envie d’une autre vie, en montrant que le changement est possible si le héros le pense et agit en vue de sa réalisation (l’espoir du père de Némo de retrouver son fils est un préalable à sa recherche)
- la persévération en présentant un héros qui échoue une première fois mais qui recommence et réussit (Némo coincé dans le bocal finit par réussir son évasion)
- …
Lorsque l’option d’effectuer, dans un premier temps par une animation de groupe, une sensibilisation au(x) thème(s) est retenue, l’utilisation de petits questionnaires à remplir par chaque personne est une entrée en matière qui s’appuie sur la curiosité et qui permet d’accrocher l’intérêt. Cette formule, au besoin couplée avec l’usage du conditionnel, a été testée lors de plusieurs animations et, à chaque fois, a montré son efficacité. Le cas d’une animation sur la parentalité est exemplaire. Ayant la possibilité de déterminer son style éducatif, même les non-parents ont été intriguées et ont souhaité connaître le résultat du test. S’étant positionnées, ces personnes se sont investies dans la suite de la discussion sans avoir besoin d’être sollicitées. De même, lors de l’animation « sport et santé », le recours à des épreuves simples d’évaluation a permis à chacun de se situer par rapport à une norme et de disposer de repères quant au poids idéal, à la récupération cardiaque après un effort, de calculer le nombre de calories absorbées en moyenne sur une journée, etc.
Les moments de pause méritent une attention particulière et ne doivent pas être négligés. En effet, ils sont une occasion, d’une part, de prendre une position méta par rapport à l’animation et donc de partager son ressenti à propos de celle-ci, et, d’autre part, de s’exprimer plus personnellement sur des éléments trop intimes pour être dits au sein du groupe large. Le contenu de ces verbalisations est un indicateur du degré de confiance accordée et/ou du besoin d’être écouté(e) et/ou de la souplesse ou non à parler de choses difficiles. Ces temps aident certains à se sentir à l’aise, à établir un véritable contact avec l’animatrice et ils permettent souvent de déceler des problématiques qui nécessitent un travail en profondeur et une orientation adéquate de la personne.