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Vers une meilleure connaissance des compétences psychosociales des personnes

Vers une meilleure connaissance des compétences psychosociales des personnes


Les extraits suivants illustrent l’intérêt des animations, contexte grâce auquel un professionnel peut capter et décrypter diverses informations essentielles pour les travailleurs sociaux. On y décèlera les éléments qui peuvent obstacle à l’insertion sociale et ceux sur lesquels il est possible de s’appuyer pour construire un projet. Des réunions de concertation doivent être organisées systématiquement afin que les référents obtiennent un feed-back, appréciable aussi pour leur motivation à conseiller l’activité à leur public.

« (…) Nadine est habillée avec soin et sa coiffure est même trop apprêtée pour la circonstance. Elle s’assied en retrait de la table et se tient très droite. Il est à remarquer qu’elle a choisi de s’installer entre Jacques et l’animatrice alors que toutes les autres places étaient disponibles. Elle parle fort et laisse peu de place à la parole des autres. Chaque intervention de l’autre est prétexte à un nouveau flot de mots, débités rapidement et sans discontinuité. Les propos sont cohérents mais impersonnels, « de circonstance », comme si elle se devait de rappeler les règles du bon sens. Souvent aussi, elle se sert de son âge et de son expérience de la vie pour dire qu’en la matière elle en connaît un bout. Les essais de Jacques pour en place une sont infructueux, il finit par rester silencieux. Lorsque l’animatrice rappelle les règles de respect et d’écoute, Jacques sourit et se tait alors que Nadine ne peut pas s’empêcher de ponctuer l’intervention de ses commentaires.

Les sentiments que Nadine associe à sa demande initiale d’aide de la part du CPAS, équivalente à une demande d’aumône, sont la honte. De plus, elle semble vouloir se présenter comme quelqu’un qui est à part. On peut supposer que ses représentations des personnes qui dépendent du CPAS pour avoir le minimum vital sont négatives et connotées péjorativement, et qu’elle a peur d’être assimilée à ce public. Ceci permet de comprendre son positionnement à l’écart mais aussi son besoin de se mettre en avant et de se montrer comme différente. Elle dépend du CPAS depuis le début des années 90, lorsque son mari, indépendant, l’a quittée lui laissant plein de dettes. Actuellement, elle semble habituée à recevoir l’aide financière du CPAS et se justifie de la manière suivante : « à mon âge (57 ans), je ne trouverai plus de travail ». Ces informations quant à son parcours de vie mais aussi d’autres éléments, tels que le fait qu’elle ne souhaite pas s’éloigner d’un de ses fils, ni prendre les devant face à la perspective de la démolition de la tour qu’elle habite, permettent de supposer que Nadine subit les événements de façon très passive jusqu’à ce qu’aucune autre issue à la situation ne soit plus possible, que celle de recevoir une aide extérieure. (…) »

« (…) Fabien s’est exprimé spontanément et a largement contribué à rendre la séance vivante. Néanmoins, il faut déplorer qu’il ait eu besoin de l’alcool pour se sentir à l’aise, sans toutefois être ivre, ce qu’il nous a confié lors des moments plus informels. On peut inférer de ce recours compulsif pour affronter le regard des autres, un déficit majeur de l’estime de soi dont on sait le rôle en situation sociale. Il confirmera d’ailleurs cette hypothèse en soulignant une capacité à parler en public sans artifice. Il ne serait pas réaliste d’espérer qu’ayant expérimenté l’ambiance conviviale des animations, il comprenne qu’il n’y sera pas jugé et qu’il soit suffisamment en confiance pour abandonner cette prise aux effets contra-phobiques. En effet, d’une part, les quelques éléments de son histoire familiale qu’il nous a livrés laissent supposer que cette addiction n’est pas récente et que donc la dépendance physiologique à l’alcool, bien installée, contre-carre toute volonté d’abstinence. D’autre part, Fabien a mentionné l’usage d’autres toxiques, tels que exctasie, valium en quantité massive pour se calmer, et probablement toute substance aux effets psychotropes. Il est important de souligner que cette polytoxicomanie n’est pas reconnue en tant que telle et que donc, aucune thérapeutique n’est mise en place pour aider ce jeune homme à développer d’autres parades face à l’angoisse. Il a d’ailleurs conscience de ne pas réussir à surmonter la perte de sa mère, décédée depuis deux ans. Il faut remarquer aussi qu’il semble idéaliser la relation qu’il a eue avec elle, qu’il décrit comme très aimante, ce qui peut paraître contradictoire quand on sait qu’il a été placé en institution à l’âge de huit ans et ce jusqu’à douze ans pour le motif de vol et qu’ensuite, il a trouvé refuge en famille d’accueil. On se rappellera que Winnicott a établit le lien entre le vol et le manque d’amour. Ce déni du négatif sert sans doute les défenses narcissiques mais, en se conjuguant avec le refus d’avoir besoin d’aide – à aucun moment, il ne fera référence à son père, laissant ainsi toute la place à son parrain de la famille d’accueil -, participe à minimiser la problématique dépressive sous-jacente à une personnalité de type « état-limite ». Il peut être utile de noter aussi que, d’après les dires de Fabien, sa petite amie ne paraît pas mieux outillée pour affronter la vie, bien au contraire des crises de panique la cantonnent chez eux.

En ce qui concerne Joséphine, quelques sollicitations ont suffi pour obtenir sa participation. Originaire d’Afrique et en Belgique depuis seulement deux ou trois ans, elle s’est exprimée dans un français grammaticalement tout à fait correct. Sa présentation est impeccable. De plus, elle fait preuve d’une réserve quant à sa vie privée qui signe le maintien des limites et une grande dignité. (…)

Quant à Jacques, avant qu’il ne se présente, l’animatrice lui a donné pour consigne d’articuler (sa prononciation est si mauvaise qu’il est très difficilement compréhensible) sans pour autant augmenter le volume de sa voix, ce qui a permis qu’il soit plus facilement compris par tous. Plusieurs fois, il a fallu lui demander de ne pas couper la parole, au point, qu’il a même été invité, avec un peu d’ironie, à prendre le rôle d’animateur, ce qui semble avoir été efficace. L’allure générale de Jacques s’améliore au fil des animations (il est présent depuis le début). Un trait positif chez lui est son sourire et sa sociabilité. En effet, il semble éprouver beaucoup de plaisir à faire part de ses expériences. Il a d’ailleurs une culture générale étendue et un esprit d’analyse assez pointu. Dommage que ces propos soient quelques fois en décalage par rapport au sujet (…) »

L’attitude de Moustafa marque le contraste. En effet, il est toujours en retrait, attendant d’être directement questionné pour répondre. Il ne se joint jamais au sous-groupe qui se forme autour de l’animatrice lors des pauses. Nous relevons pourtant un élément très encourageant. Il s’agit de son intention de se rendre aux ateliers cuisine d’un comité de quartier, auxquels il a été invité par une des participantes, qui été venue la semaine dernière, et ce en dépit des nombreuses plaisanteries à propos de sa « consommation » de télévision. Que ce soit un sentiment amoureux et/ou l’appartenance à une même culture qui le motivent, le résultat qui importe est qu’il sorte de son isolément et s’intègre à la vie sociale. On peut imaginer qu’il aspire comme la plupart des hommes à une vie de famille. On peut peut-être faire le lien avec son souci apparent du bébé de X.(…).

En ce qui concerne Sophia, son parcours est plus complexe. En effet, elle a d’abord introduit une demande d’asile au Canada, qui a été refusée et c’est seulement ensuite qu’elle fait valoir la nationalité de ses enfants pour obtenir le droit de résider en Belgique. D’une part, elle souhaite le meilleur pour ses enfants dont le père est belge, mais apparemment peu présent auprès d’eux, et, d’autre part, ses revendications à l’égard de cet époux semble se reporter sur le pays d’origine de cet homme. Elle explique que ses ennuis ont commencé quand elle s’est mariée avec un belge – mariage motivé par un désir d’ascension sociale bien plus que par l’amour. Qu’elle ne soit pas obligée de retourner dans son pays d’origine est, d’après elle, lié au fait qu’elle a la garde de ses enfants si bien qu’elle redoute que celle-ci ne lui soit retirée sous prétexte d’une mauvaise éducation. Elle craint donc que ses enfants posent problème et ce d’autant que son aîné entre dans l’adolescence, période qui n’est pas sans difficultés. Il est probable que le moindre écart de comportement ravive cette peur. Cette situation présente donc des risques, notamment celui d’une intolérance à toute déviance par rapport à une norme, ce qui aurait pour conséquence soit d’hyperresponsabiliser les enfants, soit d’exacerber les conflits intergénérationnels. Ces deux cas de figures sont potentiellement dommageables pour la construction identitaire du jeune. Cette peur est également nuisible à la poursuite d’un projet professionnel dont les contraintes en temps et en disponibilité pourraient être jugées incompatibles avec l’éducation des garçons. »

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