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Les composants diversifiés d'une "économie plurielle"

Les composants diversifiés d'une "économie plurielle"


On peut admettre, en premier lieu, que l'économie, c'est-à-dire l'activité économique ou la vie économique, vise fondamentalement à satisfaire les besoins du genre humain, c'est-à-dire les besoins les plus "élémentaires" (comme se nourrir, se loger, s'habiller, se soigner, …) ou les plus essentiels (comme s'éduquer, se cultiver, se déplacer, …), voire les plus secondaires ou les plus superflus (voir comme exemple le Salon nautique de la haute plaisance à Cannes, par exemple – Le Monde 17/09/2008 !). Beaucoup d'économistes eux-mêmes d’ailleurs sont d'accord avec la définition des sciences économiques d'Oscar LANGE : c'est la science de l'administration des ressources rares (destinées à satisfaire les besoins des individus et des sociétés humaines). On conviendra qu'il y a de multiples façons de les couvrir et, partant de là, diverses logiques d'activités productrices de biens et services.

Ainsi, Yvan ILLICH opposait "la production autonome de valeurs d'usage" à la "production hétéronome de valeurs marchandes". En effet, moins on est capable ou en mesure de produire par nous-mêmes les valeurs d'usage (biens et services) qui sont nécessaires à notre vie et à notre développement personnel (et celui de notre famille) et plus on est obligé de recourir au marché des biens et services (par exemple "le marché des services de proximité") si l'on en a les moyens.

Pour illustrer les activité multiples de "production autonome de valeurs d'usage", dans nos sociétés "riches" (c'est-à-dire les pays développés et à forte division du travail), citons en particulier toutes celles qui occupent encore le champ de "l'économie domestique" telles que : tâches ménagères, cuisine, conserves, couture, activités de bricolage, de réparation, jardins familiaux (ou sociaux), éducation des enfants, soutien scolaire, etc. Deux spécialistes de l'INSEE (deux femmes comme par hasard  …) s'étaient hasardées à évaluer, il y a une vingtaine d'années, la valeur économique de cette production domestique autonome de valeur d'usages en référence à l'indicateur clé de la production annuelle de richesse de la nation qu'est le P.I.B. Leur estimation, selon la méthode comptable utilisée , s'établissait dans la fourchette de 55 à 70 % du PIB marchand ! Cette part serait évidemment encore beaucoup plus forte dans les pays "pauvres" de la planète. Nous avons là un premier exemple caractéristique des composantes diversifiées de l'économie informelle distinguée voire opposée à l'économie formelle (celle du - ou des – marchés avec ses entreprises, ses organisations institutionnalisées et déclarées, son système comptable et fiscal, etc.).

L'économie informelle ne s'arrête pas à l'économie domestique et à l'autoproduction (ou "économie autonome"), elle englobe également les diverses activités de l'économie occulte qui comprend pour sa part des activités licites mais volontairement dissimulées, exemple : travail au noir, commerce non déclaré (absence de facture …), mais aussi des activités prohibées (illégales), exemple : trafic de stupéfiants, trafic de contrebande, prostitution, jeux prohibés, etc., bref tout ce qui relève de "l'économie du crime" ; la commission antinarcotique du G7 évaluait le marché mondial de la drogue entre 600 et 800 milliards de dollars au début des années 1990, dont 98 % se retrouvent dans les circuits de blanchiment des pays industrialisés.




Il s'agit donc, par définition, d'activités marchandes mais qui échappent au fisc et aux indicateurs de la mesure du produit national. Cette économie occulte entretient des rapports souvent étroits avec l'économie de marché officielle (ou formelle) dont elle peut constituer un poumon auxiliaire ; mais elle peut aussi lui faire une rude concurrence, soit au niveau national, soit au niveau international.

L'économie "autonome" elle, est tout à fait légale ; elle n'est donc pas, a priori, en situation de conflit par rapport à l'Etat. Pour Pierre ROSANVALLON : "Elle se fonde sur des formes de socialisation qui n'ont pas d'existence fiscale (voisinage, famille au sens large) ou sur des activités qui ne peuvent pas donner lieu à prélèvement fiscal parce qu'elles sont gratuites ou réciproques (travail domestique). Elle n'est pas concurrente mais complémentaire et, dans une certaine mesure, alternative par rapport à l'économie de marché ou par rapport aux formes de distribution étatique".

L'historien Fernand BRAUDEL distinguait déjà pour le XVIIIème siècle, voire pour les siècles qui le précèdent, trois niveaux dans "la grille de l'économie monde" : premier niveau (à vrai dire un sous-sol) qu'il appelle "vie matérielle", celui que l'on nommerait aujourd'hui  économie informelle ou d'autosubsistance ; un rez-de-chaussée, celui d'une "économie d'échange" et souvent  routinière (on eût dit au XVIIIème siècle "naturelle"), avec "les marchés, le colportage, les boutiques, les foires, les bourses" ; enfin, l'étage "d'une économie supérieure, sophistiquée" (on eût dit au XVIIIème siècle "artificielle"), celui des "calculs et de la spéculation" où la libre concurrence joue beaucoup plus rarement qu'à l'étage de "l'économie d'échange normale" et qu'il désigne comme l'étage du "capitalisme" proprement dit. "Bref, il y a une hiérarchie du monde marchand même si … les étages supérieurs ne sauraient exister sans les étages inférieurs".

Si l'architecture de l'édifice de "l'économie monde" a considérablement changé depuis le XVIIIème siècle, on peut encore y distinguer aujourd'hui les trois étages de "la hiérarchie monde" de BRAUDEL, aussi bien dans les pays les plus développés (ceux de l'OCDE), que dans les nouveaux grands pays industrialisés (Inde, Chine, Brésil, Mexique, …), les pays émergents ou encore les pays en développement.

Mais alors où se nichent donc l'économie sociale et l'économie solidaire dans la grille contemporaine de l'économie monde ? Constitueraient-elles un nouvel étage ? Ou bien occupent-elles quelque appartement à tel ou tel étage ? Et, dans ce dernier cas, quelle serait la surface d'occupation de l'économie sociale et solidaire (l'E.S.S.) (si nous adoptons le parti raisonnable de leur co-habitation) ?

Avant de procéder aux mesures de la surface corrigée occupée par l'E.S.S.  il faut s'interroger sur la vraie nature ou la spécificité de l'E.S.S., de ses entreprises, de ses organisations, de ses acteurs, des valeurs, principes et règles qui la régissent ou qui la fondent.

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