Les origines de la Sécurité sociale
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Les origines de la Sécurité sociale
Par rapport à l’assistance et à la prévoyance, la singularité de la Sécurité sociale est celle de la solidarité sous le contrôle et la responsabilité de l’Etat.
Sous l’Antiquité
Les premiers signes de solidarité
Le besoin naturel de sécurité a conduit l’homme à inventer, à améliorer sans cesse des moyens originaux de protection sociale, basés en grande partie sur le principe de solidarité.
Au sein des sociétés primitives et antiques, les hommes comprennent vite les vertus de l'entraide. La solidarité, qui naît de la vie en commun, permet la survie du groupe dans un milieu hostile.
Les premières traces de solidarité qui nous soient parvenus touchent à l'appréhension de la mort. Pour ces peuples, il est très important de respecter les rites de passage de la vie à la mort. Compte tenu de son coût, ce rituel doit être pris en charge par la communauté.
La prise en charge collective du rite funéraire
Selon la légende, les compagnons se cotisaient pour payer les funérailles à leurs défunts. Cette tradition s’est maintenue durant toute l’Antiquité, notamment à Rome entre les compagnons d’esclavage.
La photographie d’une stèle funéraire, datant du Ier siècle après J.-C., démontre que des esclaves mettaient en commun une partie de leur pauvre pécule pour honorer leur camarade défunt par des funérailles décentes. Cet acte, dont ils ne retiraient aucun profit direct, symbolise bien la solidarité entre les hommes, valeur maîtresse du système de protection sociale que nous connaissons aujourd’hui.
Dans les sociétés de secours mutuels dès la fin du XIXe siècle, de nombreux statuts prévoyaient que les adhérents avaient droit à des obsèques de première classe, et encore aujourd’hui la Sécurité sociale sert un capital décès au survivant de la famille afin de participer aux frais d’obsèques, en plus du remboursement des soins et des prestations en espèces pour l’assurance maladie et les accidents du travail.
Du Moyen Age à l’Ancien Régime
Les communautés de métiers et le compagnonnage
L'exercice d'une même profession rapproche encore les hommes. Le compagnonnage se développe plus particulièrement sous l'Ancien Régime. Chaque corps de métiers (boulangers, serruriers, charpentiers, couvreurs…) s'organise pour défendre les intérêts des travailleurs, mais aussi créer une caisse commune visant à aider les plus démunis de leurs camarades.
C’est ainsi que l’on fait remonter la solidarité à la construction du Temple de Salomon en même temps que les origines des corporations de métiers. Les trois principaux fondateurs seraient : Maître Jacques, tailleur de pierre, le Père Soubise, charpentier et Hiram, ouvrier bronzier qui devint l'architecte du Roi.
Le rôle de l’Eglise.
Sous l'Ancien Régime, la charité est d’inspiration religieuse organisée à partir de la paroisse, ou alors il s’agit d’entraide corporatiste ou familiale, parfois de l’intervention du pouvoir royal.
Seule l'Eglise assiste le pauvre, tandis que le reste de la société s'efforce de l'oublier, le cacher, ou le réprimer, à travers un arsenal juridique qui le met en demeure de s'extirper de sa propre misère.
Le premier effort social est constitué par des mesures d'assistance. L'assistance sociale ou publique se développe pour contrer le phénomène de la pauvreté, en se fondant sur la division entre :
• "pauvres valides", pour lequel il n'est nullement question, jusqu'à la fin du XIXème siècle, de procéder à une quelconque forme d'assistance financière ou économique,
• les « pauvres invalides », dont le sort en revanche est considéré comme une volonté divine et à qui, en conséquence, la société doit fournir un moyen de subsistance..
Les monarques… philanthropes ?
La prise en compte des divers risques auxquels l'homme peut être confronté se fait très progressivement. Dès le XIIème siècle, Aliénor d'Aquitaine fait rédiger les Rôles d'Oléron.
Cet ensemble de mesures, en forme de traité maritime, comprend notamment des règles visant à protéger les marins en cas d'accidents du travail ou d'invalidité.
L’idée est ensuite reprise et développée par Colbert en 1673. Sous le règne de Louis XIV, la protection sociale devient l’affaire de la royauté pour les marins, assujettis à cotisation.
Règlement du Roy, fait à Nancy le 20 septembre 1673
Ce texte organise la protection sanitaire et sociale des marins : création de deux hôpitaux (Rochefort et Toulon), soins gratuits, pensions d’invalidité et de vieillesse.
Les marins devaient participer au financement de ce premier régime de couverture sociale par une cotisation prélevée sur leurs appointements et soldes.
Le métier de marin est particulièrement dur, comme celui de mineur qui bénéficie également dès 1604 sous Henri IV du remboursement des frais de médication et de chirurgie en cas d’accident du travail. Il s’agit donc aussi pour ces monarques de s’assurer une main d’œuvre toujours nombreuse et très utile au royaume !
La période révolutionnaire (1789-1799)
Aux solidarités restreintes exercées dans le cadre familial ou des métiers (corporations),
la Révolution de 1789 et la Déclaration des droits de l'homme ont substitué une conception nouvelle de l'assistance.
Un bouillonnement d'idées
Des précurseurs, tels les Encyclopédistes ou Montesquieu, insufflent l'idée que "L'Etat doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable et un genre de vie qui ne soit pas contraire à sa santé" (L'Esprit des Lois). Des idées-force émergent des cahiers de doléances qui sont l'expression populaire des besoins :
• l'administration des hôpitaux et des maisons de charité par l'Etat,
• la médecine et hôpital gratuit pour les pauvres,
• l'instauration de pensions pour les vieillards, les pères de famille nombreuse, les infirmes.
L'assistance : un devoir de santé
Le Comité de Santé présidé par La Rochefoucault-Liancourt estime que l'assistance "est un devoir de la Société, il faut développer l'emploi pour diminuer l'indigence". Des projets de décrets sont présentés à la Constituante en Août 1790 (définition des secours, création de caisses d'épargne,...). Ils sont adoptés mais aucun crédit n'est versé pour leur mise en œuvre.
La Constitution française de 1791 place "au rang le plus sacré de la nation, l'assistance aux pauvres dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie". Une personne avait besoin d'assistance à partir du moment où elle vivait dans des conditions misérables ; l'absence de travail ne constituant pas en soi un critère ouvrant droit à une quelconque assistance.
Il faut attendre la Révolution française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 pour que soit reconnu le droit de chaque citoyen à l’assistance et à la protection sociale (article 21) :
« Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler ».
Un droit de l'homme
L'assistance devient monopole d'Etat.
Des décrets de 1793 et 1794 décident :
• la nationalisation des hôpitaux et des maisons de secours,
• la constitution d'un "fonds de secours",
• la fourniture de travaux temporaires pour les chômeurs valides,
• la création d'un "Livre de la Bienfaisance nationale" : les indigents qui y sont inscrits reçoivent des secours financiers.
Un devoir que l'Etat ne peut assumer
Le Directoire adopte différentes orientations :
• l'organisation de l'assistance par les communes,
• la restitution aux hôpitaux de leur patrimoine en vue d'augmenter leurs ressources.
Des acquis pour l'avenir
Si la Révolution n'a pas été en mesure de dégager les moyens nécessaires pour développer un ambitieux programme social, certains principes sont adoptés :
• l'hôpital est consacré comme lieu de soins et bientôt d'enseignement de la médecine,
• l'hospice est un lieu d'asile pour enfants abandonnés, vieillards, invalides,
• les bureaux de bienfaisance ont pour mission d'accorder des secours.
Cette période de grand bouleversement social est également propice à certaines mesures répressives, relatives à une "pseudo maîtrise médicalisée".
Un décret de la Convention nationale (1793) se montre particulièrement dur à l'égard des médecins trop complaisants.
"Tout médecin ou chirurgien qui sera convaincu d'avoir fait de faux certificats de maladie ou d'infirmité, soit à des citoyens mis en réquisition, soit à des militaires en activité de service sera puni de deux années de fer."
Finalement, ce sont surtout les initiatives privées qui permettent d'assurer un embryon d'aide sociale, avec le développement des associations mutualistes.
Par rapport à l’assistance et à la prévoyance, la singularité de la Sécurité sociale est celle de la solidarité sous le contrôle et la responsabilité de l’Etat.
Sous l’Antiquité
Les premiers signes de solidarité
Le besoin naturel de sécurité a conduit l’homme à inventer, à améliorer sans cesse des moyens originaux de protection sociale, basés en grande partie sur le principe de solidarité.
Au sein des sociétés primitives et antiques, les hommes comprennent vite les vertus de l'entraide. La solidarité, qui naît de la vie en commun, permet la survie du groupe dans un milieu hostile.
Les premières traces de solidarité qui nous soient parvenus touchent à l'appréhension de la mort. Pour ces peuples, il est très important de respecter les rites de passage de la vie à la mort. Compte tenu de son coût, ce rituel doit être pris en charge par la communauté.
La prise en charge collective du rite funéraire
Selon la légende, les compagnons se cotisaient pour payer les funérailles à leurs défunts. Cette tradition s’est maintenue durant toute l’Antiquité, notamment à Rome entre les compagnons d’esclavage.
La photographie d’une stèle funéraire, datant du Ier siècle après J.-C., démontre que des esclaves mettaient en commun une partie de leur pauvre pécule pour honorer leur camarade défunt par des funérailles décentes. Cet acte, dont ils ne retiraient aucun profit direct, symbolise bien la solidarité entre les hommes, valeur maîtresse du système de protection sociale que nous connaissons aujourd’hui.
Dans les sociétés de secours mutuels dès la fin du XIXe siècle, de nombreux statuts prévoyaient que les adhérents avaient droit à des obsèques de première classe, et encore aujourd’hui la Sécurité sociale sert un capital décès au survivant de la famille afin de participer aux frais d’obsèques, en plus du remboursement des soins et des prestations en espèces pour l’assurance maladie et les accidents du travail.
Du Moyen Age à l’Ancien Régime
Les communautés de métiers et le compagnonnage
L'exercice d'une même profession rapproche encore les hommes. Le compagnonnage se développe plus particulièrement sous l'Ancien Régime. Chaque corps de métiers (boulangers, serruriers, charpentiers, couvreurs…) s'organise pour défendre les intérêts des travailleurs, mais aussi créer une caisse commune visant à aider les plus démunis de leurs camarades.
C’est ainsi que l’on fait remonter la solidarité à la construction du Temple de Salomon en même temps que les origines des corporations de métiers. Les trois principaux fondateurs seraient : Maître Jacques, tailleur de pierre, le Père Soubise, charpentier et Hiram, ouvrier bronzier qui devint l'architecte du Roi.
Le rôle de l’Eglise.
Sous l'Ancien Régime, la charité est d’inspiration religieuse organisée à partir de la paroisse, ou alors il s’agit d’entraide corporatiste ou familiale, parfois de l’intervention du pouvoir royal.
Seule l'Eglise assiste le pauvre, tandis que le reste de la société s'efforce de l'oublier, le cacher, ou le réprimer, à travers un arsenal juridique qui le met en demeure de s'extirper de sa propre misère.
Le premier effort social est constitué par des mesures d'assistance. L'assistance sociale ou publique se développe pour contrer le phénomène de la pauvreté, en se fondant sur la division entre :
• "pauvres valides", pour lequel il n'est nullement question, jusqu'à la fin du XIXème siècle, de procéder à une quelconque forme d'assistance financière ou économique,
• les « pauvres invalides », dont le sort en revanche est considéré comme une volonté divine et à qui, en conséquence, la société doit fournir un moyen de subsistance..
Les monarques… philanthropes ?
La prise en compte des divers risques auxquels l'homme peut être confronté se fait très progressivement. Dès le XIIème siècle, Aliénor d'Aquitaine fait rédiger les Rôles d'Oléron.
Cet ensemble de mesures, en forme de traité maritime, comprend notamment des règles visant à protéger les marins en cas d'accidents du travail ou d'invalidité.
L’idée est ensuite reprise et développée par Colbert en 1673. Sous le règne de Louis XIV, la protection sociale devient l’affaire de la royauté pour les marins, assujettis à cotisation.
Règlement du Roy, fait à Nancy le 20 septembre 1673
Ce texte organise la protection sanitaire et sociale des marins : création de deux hôpitaux (Rochefort et Toulon), soins gratuits, pensions d’invalidité et de vieillesse.
Les marins devaient participer au financement de ce premier régime de couverture sociale par une cotisation prélevée sur leurs appointements et soldes.
Le métier de marin est particulièrement dur, comme celui de mineur qui bénéficie également dès 1604 sous Henri IV du remboursement des frais de médication et de chirurgie en cas d’accident du travail. Il s’agit donc aussi pour ces monarques de s’assurer une main d’œuvre toujours nombreuse et très utile au royaume !
La période révolutionnaire (1789-1799)
Aux solidarités restreintes exercées dans le cadre familial ou des métiers (corporations),
la Révolution de 1789 et la Déclaration des droits de l'homme ont substitué une conception nouvelle de l'assistance.
Un bouillonnement d'idées
Des précurseurs, tels les Encyclopédistes ou Montesquieu, insufflent l'idée que "L'Etat doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable et un genre de vie qui ne soit pas contraire à sa santé" (L'Esprit des Lois). Des idées-force émergent des cahiers de doléances qui sont l'expression populaire des besoins :
• l'administration des hôpitaux et des maisons de charité par l'Etat,
• la médecine et hôpital gratuit pour les pauvres,
• l'instauration de pensions pour les vieillards, les pères de famille nombreuse, les infirmes.
L'assistance : un devoir de santé
Le Comité de Santé présidé par La Rochefoucault-Liancourt estime que l'assistance "est un devoir de la Société, il faut développer l'emploi pour diminuer l'indigence". Des projets de décrets sont présentés à la Constituante en Août 1790 (définition des secours, création de caisses d'épargne,...). Ils sont adoptés mais aucun crédit n'est versé pour leur mise en œuvre.
La Constitution française de 1791 place "au rang le plus sacré de la nation, l'assistance aux pauvres dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie". Une personne avait besoin d'assistance à partir du moment où elle vivait dans des conditions misérables ; l'absence de travail ne constituant pas en soi un critère ouvrant droit à une quelconque assistance.
Il faut attendre la Révolution française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 pour que soit reconnu le droit de chaque citoyen à l’assistance et à la protection sociale (article 21) :
« Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler ».
Un droit de l'homme
L'assistance devient monopole d'Etat.
Des décrets de 1793 et 1794 décident :
• la nationalisation des hôpitaux et des maisons de secours,
• la constitution d'un "fonds de secours",
• la fourniture de travaux temporaires pour les chômeurs valides,
• la création d'un "Livre de la Bienfaisance nationale" : les indigents qui y sont inscrits reçoivent des secours financiers.
Un devoir que l'Etat ne peut assumer
Le Directoire adopte différentes orientations :
• l'organisation de l'assistance par les communes,
• la restitution aux hôpitaux de leur patrimoine en vue d'augmenter leurs ressources.
Des acquis pour l'avenir
Si la Révolution n'a pas été en mesure de dégager les moyens nécessaires pour développer un ambitieux programme social, certains principes sont adoptés :
• l'hôpital est consacré comme lieu de soins et bientôt d'enseignement de la médecine,
• l'hospice est un lieu d'asile pour enfants abandonnés, vieillards, invalides,
• les bureaux de bienfaisance ont pour mission d'accorder des secours.
Cette période de grand bouleversement social est également propice à certaines mesures répressives, relatives à une "pseudo maîtrise médicalisée".
Un décret de la Convention nationale (1793) se montre particulièrement dur à l'égard des médecins trop complaisants.
"Tout médecin ou chirurgien qui sera convaincu d'avoir fait de faux certificats de maladie ou d'infirmité, soit à des citoyens mis en réquisition, soit à des militaires en activité de service sera puni de deux années de fer."
Finalement, ce sont surtout les initiatives privées qui permettent d'assurer un embryon d'aide sociale, avec le développement des associations mutualistes.
Par rapport à l’assistance et à la prévoyance, la singularité de la Sécurité sociale est celle de la solidarité sous le contrôle et la responsabilité de l’Etat.