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L’Etat employeur

L’Etat employeur
Les Etats se distinguent par l’ampleur de leur rôle d’employeur, forme éminente de la redistribution dans la région. L’emploi gouvernemental représente plus du cinquième du total de la population active en moyenne pour la région tout au long des années 1975 à 1997, soit entre 2 et 3 fois plus que les autres régions en développement et une fois et demi la moyenne mondiale (World Bank 2002, ERF 2002). A la fin des années 1980, il se situe aux alentours de 15% de l’emploi total au Maroc, 25% en Tunisie et en Egypte, 55% en Algérie, 45% en Jordanie (World Bank 2003). Si l’expansion des services publics a constitué l’assise principale de l’emploi étatique, la croissance des administrations et de l’armée y a joué un rôle non négligeable. Ajoutons que l’Etat, premier entrepreneur capitaliste, contrôlait à lui seul jusqu’à récemment les principales unités de production. Les entreprises publiques représentent encore 57% du PIB en Egypte, 32% en Tunisie et 18% au Maroc (World Bank 2002). A certains égards, cette collusion entre Etat social et Etat employeur fait office de politique de gestion des marchés du travail.
La gratuité d’accès à l’éducation secondaire et supérieure, et des garanties d’emploi aux diplômés ont nourri la dynamique de gonflement de l’emploi public : la concentration des diplômés du secondaire y est marquée. La demande de travail de l’Etat a constitué un formidable moteur à la hausse du niveau éducatif. A l’inverse, l’accroissement du niveau moyen d’éducation a fait pression sur les gouvernements pour les inciter à embaucher les nouveaux diplômés, et a donc contribué à former une fonction publique pléthorique et surnuméraire . En Egypte, des années 1960 aux années 1990, une loi garantissait un emploi public aux diplômés du secondaire et de l’université. L’allongement des temps d’attente (jusqu’à 13 ans en Egypte ; Tourné 2004) a été le principal facteur à rendre cette disposition caduque. Les secteurs publics ont également joué un rôle fondamental dans l’absorption des jeunes filles éduquées, contribuant au premier chef à l’accroissement de leur taux de participation à la population active. Les mesures de protection sociale leur étant spécifiquement destinées (congés maternité) ainsi qu’à leurs enfants, aux côtés des autres protections (horaires de travail, possibilités de retraite anticipée…) ont fortement contribué à l’attraction exercée par l’emploi public sur ces femmes et au fait qu’elles y demeurent plus longtemps que dans d’autres types d’emploi. En 1990, l’emploi public représente 85% de l’emploi féminin en Algérie ; 54% en Jordanie, où le taux de participation féminine s’est multiplié par plus de trois entre 1984 et 1996, et 66% en Egypte en 1988, 42% en Syrie et seulement 7% au Maroc tout au long des années 1990 (World Bank 2003).
Bien que la part de l’emploi public dans l’emploi total demeure relativement importante pendant les années 1990, elle s’est réduite par rapport à la période antérieure, et le secteur privé tend à prendre le pas, sauf en Egypte : comme en Algérie, la croissance de l’emploi public y est restée supérieure à celle du privé . Dans ces deux pays, la croissance de l’emploi public au cours des années 1990 a dépassé le tiers du total de la création d’emplois.
L’emploi public a eu une fonction redistributive considérable. Un effet crucial en est la constitution d’une classe moyenne, assise légitimatoire de l’Etat, qui donne une consistance sociale à la bureaucratie et fait contrepoids aux autres forces sociales, notamment l’aristocratie terrienne. En 1999, les salaires versés par l’Etat représentent près de la moitié des dépenses publiques en Jordanie, plus du tiers en Tunisie et entre un quart et un cinquième en Algérie et au Liban. Sauf en Tunisie (+50%), ce poids ne s’est pas substantiellement modifié depuis le milieu des années 1980. Dans un contexte de déficit budgétaire et d’ajustement structurel, le moyen le moins coûteux politiquement de contenir cette charge fut de laisser se dégrader la valeur réelle des rémunérations des employés publics, tout en freinant les embauches et en encourageant les départs à la retraite non remplacés. Pourtant, comme nous le verrons, les emplois publics continuent à attirer les demandeurs d'emploi : l’Etat représente encore le principal employeur formel urbain, surtout pour les personnes éduquées.

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